1.1 Qu'est-ce que c'est ?
L'arthrite juvénile idiopathique (AJI) est une maladie chronique caractérisée par une inflammation articulaire persistante ; l'inflammation articulaire se présente typiquement sous la forme de douleurs, de gonflements et d'une mobilité réduite. Le mot « idiopathique » signifie que la maladie est d'origine inconnue et le mot « juvénile » signifie dans ce cas que les symptômes apparaissent généralement avant l'âge de 16 ans.
1.2 Qu'est-ce qu'une maladie chronique ?
Une maladie est dite chronique lorsque le traitement approprié ne permet pas de guérir le patient, mais seulement d'atténuer les symptômes et d'améliorer les résultats des examens de laboratoire.
Cela implique également qu'il est impossible de prévoir pendant combien de temps l'enfant sera malade, une fois que le diagnostic est posé.
1.3 Quelle est la fréquence de cette maladie ?
L'AJI est une maladie relativement rare qui touche environ 1 à 2 personnes pour 1.000 enfants.
1.4 Quelles sont les causes de cette maladie ?
Notre système immunitaire nous protège des infections provoquées par différents microbes tels que les virus et les bactéries. Il est capable de distinguer ce qui est potentiellement étranger à notre corps et dangereux, et doit donc être détruit.
L'arthrite chronique serait une réaction anormale de notre système immunitaire, qui perd en partie sa capacité à distinguer le « soi » du « non-soi » et attaque ainsi des éléments de l'organisme qui les a fabriqués provoquant une inflammation, dans ce cas des parois des articulations. C'est pourquoi on appelle les maladies telles que l'AJI des maladies « auto-immunes », le système immunitaire réagissant contre ses propres cellules.
Cependant, comme pour la majorité des maladies inflammatoires chroniques affectant l'homme, on ne connaît pas précisément les mécanismes à l'origine de l'AJI.
1.5 Cette maladie est-elle héréditaire ?
L'AJI n'est pas une maladie héréditaire, étant donné que les parents ne peuvent pas la transmettre directement à leurs enfants. Néanmoins, certains facteurs génétiques, dont la majorité est encore inconnue, prédisposent certains individus à développer cette maladie. La communauté scientifique s'accorde à dire que cette maladie résulte d'une combinaison de prédispositions génétiques et de l'exposition à des facteurs environnementaux (probablement à des infections). Même s'il semble être question de prédisposition génétique, il est très rare que deux enfants d'une même famille soient touchés par cette maladie.
1.6 Comment diagnostiquer cette maladie ?
Le diagnostic de l'AJI est basé sur la présence et la persistance d'arthrite et sur l'exclusion minutieuse d'autres maladies grâce à l'évaluation des antécédents médicaux, à un examen physique et à des examens de laboratoire.
On parle d'AJI lorsque la maladie apparaît avant l'âge de 16 ans, que les symptômes durent plus de 6 semaines et que toutes les autres maladies pouvant être à l'origine de l'arthrite ont été écartées.
La raison d'être de cette période de 6 semaines est qu'elle permet d'exclure les autres formes d'arthrites temporaires consécutives à différentes infections. Le terme « AJI » inclut toute forme d'arthrite persistante ou d'origine inconnue apparaissant pendant l'enfance.
L'AJI inclut les différentes formes d'arthrite qui ont été identifiées (voir ci-dessous).
Le diagnostic de l'AJI est donc basé sur la présence et la persistance d'arthrite, et sur l'exclusion minutieuse d'autres maladies grâce à l'évaluation des antécédents médicaux, à un examen physique et à des examens de laboratoire.
1.7 Quels en sont les effets sur les articulations ?
La membrane synoviale est le fin tissu qui tapisse l'intérieur de la capsule articulaire qui, dans la cadre d'une arthrite, s'épaissit, se remplit de cellules et de tissus inflammatoires, et produit du liquide synovial en trop grande quantité. Cela est à l'origine de gonflements, douleurs et d'une limitation de mouvement. Une inflammation articulaire est caractérisée par des raideurs articulaires apparaissant après de longues périodes de repos ; ainsi, elle est particulièrement prononcée le matin (raideurs matinales).
Souvent, l'enfant tente de soulager les douleurs en plaçant l'articulation en semi-flexion ; cette position est appelée « antalgique » pour souligner le fait qu'elle vise à diminuer les douleurs. Lorsqu'elle est maintenue pendant de longues périodes (généralement pendant plus d'un mois), cette position anormale provoque un raccourcissement (contracture) des muscles et des tendons et, à terme, une déformation par flexion.
Si elle n’est pas traitée correctement, l’inflammation articulaire peut provoquer une lésion de l'articulation par le biais de deux mécanismes : la membrane synoviale s’épaissit fortement devenant spongieuse (avec la formation du « pannus synovial »), et avec libération de différentes substances qui provoquent une perte de cartilage articulaire et d'os. Sur les radiographies, cela se manifeste sous la forme de trous dans l’os appelés érosion osseuse. Le maintien prolongé de la position antalgique provoque une atrophie musculaire (perte de muscle), un étirement ou une rétraction des muscles et des tissus mous, conduisant à une déformation par flexion.
2.1. Existe-t-il différentes formes de cette maladie ?
Il existe différentes formes d’AJI. Elles se différencient généralement par le nombre d'articulations touchées (AJI oligoarticulaire ou polyarticulaire) et par la présence d'autres symptômes tels que la fièvre, des éruptions cutanées et autres (voir paragraphes suivants). Les différentes formes sont diagnostiquées grâce à l'observation des symptômes durant les 6 premiers mois. C'est pourquoi, on les appelle formes précoces de la maladie.
2.1.1 AJI systémique
Le mot « systémique » signifie, qu'outre l'arthrite, différents organes du corps peuvent être atteints.
L'AJI systémique est caractérisée par la présence de fièvre, d'éruptions cutanées et d'inflammations intenses de différents organes pouvant apparaître avant l'arthrite ou au cours de la maladie. On observe une fièvre intense de longue durée ainsi que des éruptions cutanées généralement pendant des pics de fièvres. D’autres symptômes peuvent inclure des douleurs musculaires, une hypertrophie du foie, de la rate et des ganglions lymphatiques, ainsi qu’une inflammation des membranes entourant le cœur (péricardite) et les poumons (pleurésie). L'arthrite, qui touche généralement 5 articulations ou plus, peut être présente dès l'apparition de la maladie ou apparaître ultérieurement. Cette maladie touche les garçons et les filles à tout âge, mais elle est très courante chez l'enfant du premier et du second âge.
Environ la moitié des patients souffre de fièvre et d'arthrite pendant une courte durée ; ces patients tendent à avoir le pronostic le plus favorable à long terme. Pour l'autre moitié, la fièvre a souvent tendance à s'atténuer alors que l'arthrite s'intensifie et devient plus difficile à traiter. Dans de rares cas, la fièvre et l'arthrite persistent concurremment. L'AJI systémique représente moins de 10 % des cas d'AJI ; elle est typique chez l'enfant mais rare chez l'adulte.
2.1.2 AJI polyarticulaire
L'AJI polyarticulaire est caractérisée par l'atteinte de 5 articulations ou plus au cours des 6 premiers mois de la maladie et l'absence de fièvre. Certaines analyses de sang mesurent le dosage du facteur rhumatoïde (RF) et permettent de distinguer deux types : l'AJI à RF négatif et l'AJI à RF positif.
L'AJI polyarticulaire à RF positif : cette forme est très rare chez l'enfant (moins de 5 % des cas d'AJI). Elle est l'équivalent de l'arthrite rhumatoïde à RF positif chez l'adulte (qui représente la forme d'arthrite chronique la plus fréquente chez l'adulte). Elle provoque souvent une arthrite symétrique qui touche, dans la majorité des cas, tout d'abord les petites articulations des mains et des pieds, puis s'étend aux autres articulations. Elle est plus fréquente chez les femmes que les hommes et apparaît généralement après l'âge de 10 ans. Cette forme d'arthrite est souvent grave.
L'AJI polyarticulaire à RF négatif : cette forme représente de 15 à 20 % des cas d'AJI. Elle touche les enfants à tous les âges. Toutes les articulations sont inflammées, aussi bien les petites que les grosses.
Le traitement doit être planifié à un stade précoce et le diagnostic confirmé rapidement, et ce pour les deux formes. Un traitement précoce et approprié aurait de meilleurs résultats. Toutefois, il est difficile de prévoir la réaction au traitement aux premiers stades de la maladie. La réponse au traitement varie sensiblement d'un enfant à un autre.
2.1.3 AJI oligoarticulaire (persistante ou étendue)
L'AJI oligoarticulaire représente le sous-type le plus fréquent de l'AJI avec près de 50 % des cas. Elle est caractérisée par l'atteinte de moins de 5 articulations au cours des 6 premiers mois de la maladie et l'absence de symptômes systémiques. Elle touche les grosses articulations (telles que les genoux et les chevilles) de manière asymétrique. Il se peut qu'une seule articulation soit atteinte (forme monoarticulaire). Chez certains patients, le nombre d'articulations touchées augmente après les 6 premiers mois de la maladie pour atteindre 5 articulations ou plus ; on parle alors d'oligoarthrite étendue. Si le nombre d'articulations touchées reste inférieur à 5 au cours de l'évolution de la maladie, cette forme est alors appelée oligoarthrite persistante.
L'oligoarthrite apparaît généralement avant l'âge de 6 ans et est observée essentiellement chez la femme. Grâce à un traitement approprié et mis en place en temps voulu, le pronostic des patients est souvent favorable et la maladie reste limitée à quelques articulations ; le pronostic est plus variable pour les patients ayant développé une inflammation étendue des articulations débouchant sur une polyarthrite.
Un pourcentage significatif des patients peut développer des complications oculaires, telles qu'une inflammation du segment antérieur de l'œil (uvéite antérieure), un tissu de vaisseaux sanguins entourant l'œil. L'iris et le corps ciliaire formant la partie antérieure de l'uvée, on appelle ces complications irido-cyclite chronique ou uvéite antérieure chronique. Dans le cas de l'AJI, cette maladie chronique se développe insidieusement sans provoquer de symptômes apparents (tels que des douleurs ou des rougeurs). Si elle n'est ni diagnostiquée ni traitée, l'uvéite antérieure évolue et peut provoquer de graves lésions de l'œil. Un dépistage précoce de cette maladie revêt donc une importance capitale. Étant donné que l'œil ne devient pas rouge et que l'enfant ne se plaint pas d'une vision trouble, il se peut que ni les parents ni les médecins ne détectent une uvéite antérieure. Les facteurs de risque de l'uvéite sont une apparition précoce de l'AJI et la présence d'anticorps anti-nucléaires (ANA).
Ainsi, les enfants à haut risque doivent être suivis régulièrement par un ophtalmologue qui les examinera à l'aide d'un appareil spécifique, à savoir un biomicroscope. Les consultations sont généralement espacées de 3 mois et perdurent sur le long terme.
2.1.4 Arthrite psoriasique
L'arthrite psoriasique est caractérisée par la présence d'arthrite accompagnée de psoriasis. Le psoriasis est une inflammation de la peau avec desquamation de la peau souvent localisée au niveau des coudes et des genoux. Parfois, le psoriasis touche seulement les ongles ou on note des antécédents familiaux de psoriasis. Cette maladie de la peau peut précéder ou suivre l'apparition de l'arthrite. Les signes typiques suggérant ce sous-type d'AJI sont des gonflements des doigts et des orteils en intégralité (doigts en « saucisse » ou dactylite) et une altération des ongles (ponctuations en dés à coudre). Il se peut qu'un parent au premier degré (parent, frère et sœur) soit également touché. Une uvéite antérieure chronique peut se développer ; c'est pourquoi il est recommandé de consulter un ophtalmologue régulièrement.
L'évolution de la maladie est variable, car la réaction au traitement peut différer pour les maladies affectant la peau et les articulations. Si un enfant souffre d'une forme d'arthrite touchant moins de 5 articulations, le traitement s'orientera vers celui de l'arthrite de type oligoarticulaire. Si un enfant souffre d'une forme d'arthrite touchant plus de 5 articulations, le traitement s'orientera vers celui de l'arthrite de type polyarticulaire. Les différences peuvent s'expliquer par des réactions différentes au traitement de l'arthrite et du psoriasis.
2.1.5 Arthrite associée à une enthésite
Elle se manifeste généralement par une arthrite touchant principalement les grosses articulations des membres inférieurs et une enthésite. Une enthésite est une inflammation de l'enthèse, c'est-à-dire de la zone d'insertion des tendons sur les os (le talon en est un exemple). Une inflammation localisée sur cette zone provoque généralement des douleurs importantes. L'enthésite est généralement localisée sur la plante des pieds et l'arrière du talon, où s'insère le tendon d'Achille. Ces patients développent parfois une uvéite antérieure aigüe. Contrairement aux autres formes d'AJI, on note généralement des rougeurs et des larmes au niveau des yeux (larmoiement) ainsi qu'une sensibilité accrue à la lumière. La plupart des patients ont des résultats positifs à l'examen de laboratoire appelé HLA B27 : cet examen vise à dépister une prédisposition familiale à cette maladie. Cette forme touche majoritairement les hommes et apparaît généralement après l'âge de 6 ans. L'évolution de cette forme est variable. Chez certains patients, la maladie devient latente avec le temps, alors que chez d'autres patients elle s'étend également au rachis inférieur et aux articulations pelvienne et sacro-iliaque, limitant ainsi la flexion du dos. Des douleurs lombaires dès le matin associées à des raideurs suggèrent fortement une inflammation du rachis. En effet, cette forme ressemble à une pathologie de la colonne vertébrale touchant les adultes appelée spondylite ankylosante.
2.2 Quelles sont les causes de l'irido-cyclite antérieure chronique ? Existe-t-il un lien avec l'arthrite ?
Une inflammation oculaire (irido-cyclite) est provoquée par une réaction immunitaire anormale dirigée contre l'œil (auto-immune). Cependant, les mécanismes ne sont pas connus précisément. On observe cette complication principalement chez les patients souffrant d'une AJI précoce et avec des résultats positifs au test ANA.
Le lien entre les yeux et cette maladie articulaire reste inconnu. Néanmoins, il faut garder à l'esprit que l'arthrite et l'irido-cyclite peuvent évoluer différemment, si bien qu'il convient de pratiquer des biomicroscopies régulièrement, et ce même si l'arthrite entre en rémission, étant donné que l'inflammation oculaire peut rechuter mais rester asymptomatique L'évolution de l'irido-cyclite est caractérisée par des poussées périodiques indépendantes de celles de l'arthrite.
L'irido-cyclite apparaît habituellement consécutivement à l'arthrite, mais peut être détectée concurremment à l'arthrite. Elle ne précède l'arthrite que dans de rares cas. Il s'agit généralement des cas au pronostic le plus défavorable : la maladie restant asymptomatique, elle n'est diagnostiquée que tardivement après une détérioration de l'acuité visuelle.
2.3 La maladie se présente-t-elle différemment chez l'enfant et chez l'adulte ?
Dans la plupart des cas, oui. La forme polyarticulaire à RF positif représente environ 70 % des cas d'arthrite rhumatoïde chez l'adulte mais seulement moins de 5 % des cas d'AJI. La forme oligoarticulaire à apparition précoce représente environ 50 % des cas d'AJI, mais ne touche jamais l'adulte. L'arthrite systémique est typique chez l'enfant, alors qu'elle n'est que rarement observée chez l'adulte.
3.1 Quels examens de laboratoire sont nécessaires ?
Au moment du diagnostic, certains examens de laboratoire, associés à des examens des articulations et des yeux, peuvent se révéler utiles pour mieux définir le type d'AJI et identifier les patients risquant des développer certaines complications, telles qu'une irido-cyclite chronique.
Le dosage du facteur rhumatoïde (RF) est un examen de laboratoire visant à détecter un anticorps qui, s'il est présent et persistant à une haute concentration, indique un certain sous-type d'AJI.
Le test aux anticorps anti-nucléaires (ANA) est souvent positif chez les patients souffrant d'une AJI oligoarticulaire précoce. Les personnes atteintes d'AJI présentent un risque élevé de développer une irido-cyclite chronique et doivent donc être soumises régulièrement à une biomicroscopie (tous les trois mois).
L'antigène HLA-B27 est un marqueur cellulaire qui est positif chez 80 % des patients souffrant d'arthrite associée à une enthésite. Seulement 5 à 8 % des personnes saines ont un test positif.
D'autres examens tels que la vitesse de sédimentation globulaire (VSG) ou la protéine C réactive (CRP) qui mesurent l'étendue d'une inflammation en général sont utiles ; cependant, le diagnostic ainsi que le traitement sont plus basés sur des signes cliniques que sur des examens de laboratoire.
Selon le traitement, des examens réguliers (tels que la numération cellulaire, le test de la fonction hépatique, une analyse urinaire) peuvent être nécessaires pour surveiller les effets indésirables du traitement et évaluer la toxicité potentielle des médicaments qui peut être asymptomatique. L'inflammation des articulations est principalement appréciée par le biais d'examens cliniques et parfois d'imageries, telles que l'échographie. Des radiographies ainsi que des imageries par résonance magnétique (IRM) périodiques peuvent aider à évaluer la santé ainsi que la croissance osseuse et donc à adapter le traitement.
3.2 Comment traiter cette maladie ?
Il n'existe pas de traitement spécifique de l'AJI. L'objectif du traitement est de soulager les douleurs, d'atténuer la fatigue et les raideurs, de prévenir les lésions articulaires et osseuses, de réduire les déformations au maximum, d'améliorer la mobilité et de préserver la croissance de l'enfant, et ce pour tous les types d'arthrite. Au cours des dix dernières années, les avancées dans le traitement de l'AJI ont été immenses grâce à l'introduction de certains médicaments, à savoir des agents biologiques. Cependant, certains enfants peuvent « résister » aux traitements, c'est-à-dire que la maladie reste active et les articulations restent inflammées malgré les actions thérapeutiques. Le choix du traitement dépend de certaines recommandations, mais le traitement doit être individualisé au cas par cas. Il est très important que les parents participent au processus décisionnel.
Le traitement est principalement basé sur des médicaments inhibant les inflammations systémiques et/ou articulaires, et des mesures de rééducation préservant les fonctions articulaires et contribuant à la prévention de difformités.
Le traitement est assez complexe et nécessite la coopération de différents spécialistes (rhumatologue pédiatrique, chirurgien orthopédique, kinésithérapeute, ergothérapeute, ophtalmologue).
La partie suivante traite des stratégies actuelles en matière de traitement de l'AJI. Pour de plus amples informations quant aux différents médicaments, veuillez vous référer au chapitre « Traitements médicamenteux ». Veuillez noter que les listes des médicaments autorisés sont propres à chaque pays et donc que les différents médicaments listés ici peuvent être indisponibles dans certains pays.
Anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) représentent traditionnellement le traitement principal de toutes les formes d'arthrite juvénile idiopathique (AJI) et d'autres maladies rhumatismales de l'enfant. Il s'agit d'anti-inflammatoires symptomatiques et d'antipyrétiques (contre la fièvre) ; le mot « symptomatique » signifie qu'ils ne peuvent induire une rémission, mais visent à contrôler les symptômes inflammatoires. Les médicaments les plus utilisés sont le naproxène et l'ibuprofène ; l'aspirine, bien qu'efficace et bon marché, est beaucoup moins utilisée de nos jours, surtout en raison de sa toxicité (effets systémiques en cas de concentration sanguine élevée, toxicité hépatique particulièrement en cas d'AJI systémique). Les AINS sont généralement bien tolérés : les maux d'estomac, qui représentent l'effet indésirable le plus courant chez l'adulte, sont rares chez l'enfant. Parfois, un anti-inflammatoire peut être efficace là où un autre ne l'était pas. L'association de différents AINS est contre-indiquée. L'action sur l'inflammation articulaire est optimale après plusieurs semaines de traitement.
Injections articulaires
Des injections articulaires sont mises en place si une ou plusieurs articulations fortement touchées présentent une mobilité réduite et/ou sont très douloureuses. Le produit injecté est une préparation aux corticostéroïdes à action prolongée. La préférence est donnée à l'hexacétonide de triamcinolone pour son action prolongée (souvent pendant plusieurs mois) : l'absorption dans la circulation systémique est minimale. Il constitue le traitement de choix de l'arthrite oligoarticulaire et un traitement adjuvant pour les autres formes. Cette forme de traitement peut être répétée plusieurs fois sur la même articulation. L'injection articulaire peut être réalisée sous anesthésie locale ou générale (habituellement chez les jeunes enfants) en fonction de l'âge de l'enfant ainsi que du type et du nombre d'articulations à traiter. Généralement, il convient d'éviter de pratiquer plus de 3 à 4 injections par ans sur la même articulation.
Habituellement, les injections articulaires sont associées à d'autres traitements afin de soulager les douleurs et de réduire les raideurs rapidement, si besoin est ou tant que les autres médicaments ne sont pas efficaces.
Médicaments de deuxième intention
Les médicaments de deuxième intention sont indiqués chez les enfants présentant une polyarthrite évolutive, et ce malgré l'adéquation des injections d'anti-inflammatoires non stéroïdiens et de corticostéroïdes. Les médicaments de deuxième intention viennent généralement s'ajouter aux traitements antérieurs à base d'AINS, qui continuent d'être administrés. Les effets des médicaments de deuxième intention n'apparaissent pleinement qu'après des semaines, voire des mois de traitement.
Méthotrexate
Il ne fait aucun doute que le
méthotrexate représente le médicament de deuxième intention à l'international pour les enfants souffrant d'AJI. Plusieurs études ont prouvé son efficacité ainsi que son profil d'innocuité, et ce pour une administration sur plusieurs années. Dans le domaine médical, la littérature a maintenant fixé la dose efficace maximum (15 mg par mètre carré par voie orale ou parentérale, généralement par injections sous-cutanées). Par conséquent, le méthotrexate administré sur une base hebdomadaire constitue le médicament de choix, particulièrement chez l'enfant souffrant d'AJI polyarticulaire. Il est efficace chez la majorité des patients. Il a une action anti-inflammatoire mais peut également, chez certains patients et grâce à ses mécanismes encore inconnus à ce jour, ralentir l'évolution de la maladie voire provoquer une rémission. Il est généralement bien toléré, mais une intolérance gastrique et une augmentation du taux des transaminases hépatiques représentent les effets secondaires les plus courants. Pendant le traitement, il convient de surveiller la toxicité potentielle du médicament en procédant à des examens de laboratoire réguliers.
De nos jours, le méthotrexate est autorisé pour traiter l'AJI dans de nombreux pays de par le monde. Il est même recommandé d'associer le méthotrexate à l'acide folique ou folinique, une vitamine qui réduit le risque d'effets secondaires, particulièrement au niveau de la fonction hépatique.
Léflunomide
Le léflunomide constitue une alternative au méthotrexate, surtout chez les enfants intolérants à ce dernier. Le
léflunomide est administré sous forme de comprimés ; ce traitement a été étudié chez des patients souffrant d'AJI et son efficacité a été prouvée. Toutefois, ce traitement est plus onéreux que le méthotrexate.
Salazopyrine et cyclosporine
On a également démontré l'efficacité d'autres médicaments non-biologiques, tels que la salazopyrine, mais ils sont généralement moins bien tolérés que le méthotrexate. L’expérience avec la salazopyrine est beaucoup plus limitée en comparaison avec le méthotrexate. À ce jour, aucune étude sérieuse n'a été menée chez des patients souffrant d'AJI pour mesurer l'efficacité d'autres médicaments potentiellement utiles tels que la cyclosporine. Actuellement, la salazopyrine et la cyclosporine sont moins utilisées, du moins dans les pays au sein desquels les agents biologiques sont mieux représentés. Lorsqu'elle est associée aux corticostéroïdes, la cyclosporine est un médicament précieux pour le traitement du syndrome d'activation des macrophages chez les enfants souffrant d'une AJI systémique. Il s'agit d'une complication grave et potentiellement mortelle de l'AJI systémique consécutive à une activation massive et généralisée du processus inflammatoire.
Corticostéroïdes
Les corticostéroïdes représentent l'anti-inflammatoire le plus efficace du marché, mais leur utilisation est limitée, car ils sont associés, à long terme, à plusieurs effets secondaires graves, dont l'ostéoporose et un retard de croissance. Néanmoins, les
corticostéroïdes sont précieux pour le traitement de symptômes systémiques qui résistent aux autres traitements et de complications systémiques potentiellement mortelles, ainsi que pour le contrôle de maladie aigüe en tant que médicament « d'attente », le temps que les médicaments de deuxième intention agissent.
Les corticostéroïdes topiques (collyres) sont utilisés pour traiter l'irido-cyclite. Dans les cas les plus graves, il peut être nécessaire d'administrer des corticostéroïdes par injections péribulbaires (dans le globe oculaire) ou par voie systémique.
Agents biologiques
Ces dernières années, des médicaments appelés
agents biologiques ont ouvert de nouvelles perspectives. Dans le jargon médical, il s'agit de médicaments produits grâce au génie biologique qui, contrairement au méthotrexate ou au léflunomide, s'attaquent en premier lieu à certaines molécules (le facteur de nécrose tumorale ou TNF, l'interleukine 1, l'interleukine 6 ou une molécule de stimulation des lymphocytes T). On a déterminé que les agents biologiques représentent un outil important pour bloquer le processus inflammatoire typique de l'AJI. Actuellement, il existe plusieurs agents biologiques dont la majorité a été autorisée spécifiquement pour le traitement de l'AJI (voir le chapitre sur la législation pédiatrique ci-dessous).
Médicaments anti-TNF
Les médicaments anti-TNF sont des agents qui bloquent spécifiquement le TNF, un facteur essentiel du processus inflammatoire. Ils sont utilisés seuls ou associés au méthotrexate et sont efficaces chez la plupart des patients. Ils agissent rapidement et leur innocuité a été prouvée, du moins dans le cadre d'un traitement sur plusieurs années (voir partie sur l'innocuité ci-après) ; cependant, il est nécessaire de procéder à un suivi plus long afin de constater leurs effets indésirables potentiels à long terme. Les agents biologiques utilisés dans le traitement de l'AJI, parmi lesquels on trouve plusieurs antagonistes du TNF, sont les plus fréquents et ils diffèrent grandement en matière de méthodes et de fréquences d'administration. Par exemple, l'
etanercept est administré par voie sous-cutanée une à deux fois par semaine, alors que l'
adalimumab est administré par voie sous-cutanée toutes les deux semaines et l'
infliximab par perfusion intraveineuse tous les mois. Les autres agents biologiques, comme le golimumab et le certolizumab pegol, sont toujours à l'étude chez l'enfant ; de même, d'autres molécules à l'étude chez l'adulte pourraient être utilisées chez l'enfant à l'avenir.
Généralement, les traitements anti-TNF sont utilisés pour la plupart des formes d'AJI à l'exception de l'oligoarthrite persistante, que l'on ne traite habituellement pas à l'aide d'agents biologiques. Leurs indications sont plus limitées en cas d'AJI systémique, là où on utilise normalement d'autres médicaments biologiques tels que l'anti-interleukine 1 (anakinra et canakinumab) ou l'anti-interleukine 6 (tocilizumab). Les agents anti-TNF sont utilisés soit seuls soit associés au méthotrexate. Comme tout médicament de deuxième intention, leur administration est soumise à une étroite surveillance médicale.
Anti CTL4Ig (abatacept)
L'abatacept est un médicament présentant un mécanisme d'action différent en ciblant certaines cellules sanguines appelées lymphocytes T. Actuellement, il peut être utilisé pour soigner des enfants atteints de polyarthrite qui ne répondent pas au méthotrexate et aux autres agents biologiques.
Anti interleukine 1 (anakinra et canakinumab) et anti interleukine 6 (tocilizumab)
Ces médicaments sont particulièrement utiles pour le traitement de l'AJI systémique. Normalement, l'AJI systémique est tout d'abord traitée par corticostéroïdes. Bien qu'ils soient efficaces, les corticostéroïdes sont associés à des effets secondaires, notamment en termes de croissance ; ainsi, lorsqu'ils ne permettent pas de contrôler l'activité de la maladie en peu de temps (généralement quelques mois), les médecins leur adjoignent un médicament anti-interleukine 1 (anakinra ou canakinumab) ou anti-interleukine 6 (tocilizumab) pour traiter aussi bien les signes systémiques (fièvre) que l'arthrite. Chez les enfants souffrant d'AJI systémique, les signes systémiques disparaissent parfois spontanément, mais l'arthrite perdure ; dans ces cas, le méthotrexate pourrait être administré seul ou associé à un anti-TNF ou à l'abatacept. Le tocilizumab peut être utilisé en cas d'AJI systémique ou polyarticulaire. Son efficacité a tout d'abord été prouvée dans le cadre du traitement de l'AJI systémique puis de l'AJI polyarticulaire ; de même, il peut être utilisé chez les patients n'ayant pas répondu au méthotrexate ou aux autres agents biologiques.
Autres traitements complémentaires
Rééducation
La rééducation est un élément essentiel du traitement. Elle comprend aussi bien des exercices physiques appropriés que l'utilisation d'attelles articulées, si indiquées, pour maintenir l'alignement des articulations dans une position confortable pour prévenir douleurs, raideurs, contractures musculaires et déformations articulaires. Elle doit être mise en place rapidement et pratiquée régulièrement afin d'améliorer le fonctionnement des muscles et des articulations ou de les maintenir en bonne santé.
Chirurgie orthopédique
Les opérations de chirurgie orthopédique sont généralement indiquées pour le remplacement d’articulations par des prothèses (dans la majorité des cas les hanches et les genoux) en cas de destruction articulaire ou la libération chirurgicale de tissus mous en cas de contractures permanentes.
3.3 Qu'en est-il des traitements non conventionnels/complémentaires ?
De nombreux traitements complémentaires et alternatifs sont disponibles, ce qui peut créer des confusions chez les patients et leurs familles. Il convient de réfléchir mûrement aux risques et aux bénéfices de ces traitements, étant donné que les bénéfices connus sont faibles et qu'ils sont coûteux en terme de temps, d'efforts imposés à l'enfant et d'argent. Si vous envisagez ce type de traitements, parlez des différentes options avec le rhumatologue de votre enfant. Certains traitements peuvent interagir avec les médicaments conventionnels. La plupart des médecins ne sont pas opposés à ces traitements alternatifs à condition que vous suiviez leurs recommandations. Il est très important de ne pas arrêter de prendre les médicaments qui vous ont été prescrits. Lorsque des médicaments tels que des corticostéroïdes vous ont été prescrits pour maîtriser la maladie, il peut être très dangereux de ne plus les prendre alors que la maladie est toujours active. En cas de questions quant à la médication, parlez-en au médecin de votre enfant.
3.4 À quel moment le traitement doit-il être mis en place ?
De nos jours, il existe des recommandations nationales et internationales à l'attention des médecins et des médecins pour les aider à choisir un traitement.
Le Collège Américain de Rhumatologie (ACR au www.rheumatology.org) vient de publier des recommandations internationales et la Société Européenne de Rhumatologie Pédiatrique (PRES au www.pres.org.uk) est actuellement en train de rédiger les siennes.
D'après ces recommandations, les enfants souffrant d'une forme moins grave (moins d'articulations atteintes) sont généralement traités en premier lieu par des injections d'anti-inflammatoires non stéroïdiens et de corticostéroïdes.
En cas d'AJI plus grave (plusieurs articulations atteintes), on administre tout d'abord du méthotrexate (ou du léflunomide dans une moindre mesure) et, s'il se révèle insuffisant, on ajoute un agent biologique (principalement un anti-TNF) seul ou associé à du méthotrexate. Il est possible d'utiliser un autre agent biologique (un autre anti-TNF ou de l'abatacept) chez les enfants résistants ou intolérants au méthotrexate et aux agents biologiques.
3.5 Quelle est la législation applicable aux traitements en pédiatrie ? Quelles sont les alternatives thérapeutiques autorisées ou hors RCP et en cours de développement ?
Il y a encore 15 ans de cela, les médicaments utilisés pour traiter l'AJI et d'autres maladies infantiles n'étaient pas étudiés convenablement chez l'enfant. Cela signifie que les médecins prescrivaient des médicaments d'après leur expérience personnelle ou des études réalisées chez des patients adultes.
En effet, il était difficile par le passé de mener des essais cliniques en rhumatologie pédiatrique, surtout faute de fonds financiers et d'intérêt pour les compagnies pharmaceutiques au vu du marché réduit et peu rentable. La situation a pris un tournant l'année dernière. Cela était dû à l'adoption de la Loi sur les meilleurs produits pharmaceutiques pour l'enfant (Best Pharmaceuticals for Children Act) aux États-Unis et d'une législation spéciale régissant le développement de spécialités pédiatriques (Règlement pédiatrique) dans l'Union Européenne. Fondamentalement, ces initiatives enjoignaient les compagnies pharmaceutiques à tester également leurs médicaments chez l'enfant.
Les initiatives américaine et européenne ainsi que 2 réseaux étendus, l'Organisation Internationale pour les Essais thérapeutiques en Rhumatologie Pédiatrique (PRINTO au www.printo.it), qui réunit plus de 50 pays dans le monde, et le Groupe d'Etudes Collaboratives en Rhumatologie Pédiatrique (PRCSG au www.prcsg.org), situé en Amérique du Nord, ont eu un impact positif sur le développement de la rhumatologie pédiatrique, notamment sur le développement de nouveaux traitements pour les enfants atteints d'AJI. Des centaines de familles d'enfants atteints d'AJI traités au sein de centres PRINTO ou PRCSG dans le monde ont participé à ces essais cliniques, permettant maintenant aux enfants souffrant de cette maladie de bénéficier de médicaments étudiés spécifiquement pour eux. Parfois, participer à ce types d'études implique d'utiliser un placebo (c'est-à-dire un comprimé ou une perfusion sans principe actif) pour s'assurer que le médicament à l'étude présente plus d'avantages que d'inconvénients.
Grâce à ces recherches importantes, plusieurs médicaments sont autorisés aujourd'hui spécifiquement pour traiter l'AJI. Cela signifie que les autorités réglementaires, telles que l'Administration de l'Alimentation et des Médicaments (FDA), l'Agence Européenne des Médicaments (EMA) ainsi que d'autres autorités nationales ont vérifié les résultats des essais cliniques et autorisé les compagnies pharmaceutiques à mentionner sur les étiquettes l'efficacité et l'innocuité de ces médicaments chez l'enfant.
La liste des médicaments autorisés spécifiquement pour le traitement de l'AJI comprend le méthotrexate, l'étanercept, l'adalimumab, l'abatacept, le tocilizumab et le canakinumab.
Les autres médicaments étant encore à l'étude chez l'enfant, le médecin de votre enfant peut lui proposer de participer à de tels essais.
Il existe d'autres médicaments qui n'ont pas obtenu d'autorisation officielle pour le traitement de l'AJI, tels que différents anti-inflammatoires non stéroïdiens, l'azathioprine, la cyclosporine, l'anakinra, le golimumab et le certolizumab. Vous pouvez utiliser ces médicaments même s'ils ne sont pas autorisés pour cette indication (utilisation hors RCP) et il se peut que votre médecin vous les propose, surtout si aucun autre traitement n'est disponible.
Quels sont les principaux effets secondaires du traitement ?
Les médicaments utilisés dans le cadre du traitement de l'AJI sont généralement bien tolérés. Une intolérance gastrique, effet secondaire principal des
AINS (qui doivent donc être pris accompagnés de nourriture) est moins fréquente chez l'enfant que chez l'adulte. Les AINS (autre que l'aspirine) peuvent provoquer une augmentation du taux de certaines enzymes hépatiques dans le sang, bien que cela soit très rare.
Le
méthotrexate est également bien toléré. Les effets secondaires sur le système gastro-intestinal, tels que des nausées et des vomissements, ne sont pas rares. Il est important de surveiller les enzymes hépatiques grâce à des numérations sanguines de routine afin de contrôler toute toxicité éventuelle. L'anomalie biologique la plus fréquente est l'augmentation du taux de certaines enzymes hépatiques qui se normalise après arrêt du médicament ou réduction de la dose de méthotrexate. L'administration d'acide folique ou folinique aide à réduire efficacement la fréquence des cas de toxicité hépatique. On observe rarement des réactions allergiques au méthotrexate.
La salazopyrine est assez bien tolérée ; les effets secondaires les plus fréquents incluent des éruptions cutanées, des troubles gastro-intestinaux, une hypertransaminasémie (toxicité hépatique) et une leucopénie (diminution des leucocytes augmentant le risque d'infections). Comme pour le méthotrexate, il est nécessaire de pratiquer des examens de laboratoire de routine.
L'utilisation à long terme de corticostéroïdes à haute dose est associée à de nombreux effets secondaires importants, parmi lesquels un retard de croissance et l'ostéoporose. La prise de corticostéroïdes à haute dose provoque une augmentation significative de l'appétit pouvant découler sur une obésité. Il est donc important d'inciter les enfants à manger des aliments pouvant satisfaire leur appétit sans augmenter leurs apports caloriques.
Les
agents biologiques sont généralement bien tolérés, du moins pendant les premières années de traitement. Il convient de surveiller les patients de près afin de déceler l'éventuelle apparition d'infections ou d'effets indésirables. Toutefois, il faut être conscient du fait que l'expérience relative à tous les médicaments utilisés actuellement pour traiter l'AJI est limitée en taille (seule une centaine d'enfants a participé aux essais cliniques) et dans le temps (les agents biologiques ne sont disponibles que depuis 2000). C'est pour cela qu'il existe de nos jours de nombreux registres AJI relatifs au suivi des enfants traités par agents biologiques au niveau national (par exemple en Allemagne, au Royaume-Uni, aux États-Unis et autres), mais aussi au niveau international (par exemple le projet Pharmachild, mené par les associations PRINTO et PRES) visant à surveiller de près les enfants souffrant d'AJI et d'observer l'éventuelle survenue d'effets indésirables sur le long terme (plusieurs années après le médicament a été administré).
3.7 Quelle est la durée du traitement ?
Il convient de poursuivre le traitement tant que la maladie persiste. La durée de la maladie est imprévisible ; dans la majorité des cas, l'AJI entre en rémission spontanément après que la maladie a évolué pendant quelques années voire de nombreuses années. L'évolution de l'AJI est souvent caractérisée par des périodes de rémission et d'exacerbation nécessitant d'adapter grandement le traitement. L'interruption du traitement n'est envisagée qu'après que l'arthrite a été en latence pendant longtemps (de 6 à 12 mois ou plus). Cependant, il n'existe pas de données définitives sur l'éventuelle récidive de la maladie après l'arrêt d'un médicament. Généralement, les médecins suivent les enfants souffrant d'AJI jusqu'à l'âge adulte, et ce même si l'arthrite est latente.
3.8 Examen ophtalmique (biomicroscopie) : à quelle fréquence et pendant combien de temps convient-il de réaliser cet examen ?
Les patients à risque (particulièrement si le test ANA est positif) doivent être soumis à une biomicroscopie au moins tous les trois mois. Ceux ayant développé une irido-cyclite doivent être examinés plus souvent en fonction de la gravité de l'atteinte oculaire mesurée au cours des consultations ophtalmologiques.
Le risque de développer une irido-cyclite diminue avec le temps ; néanmoins, cette maladie peut également se manifester plusieurs années après que l'arthrite est apparue. Par conséquent, il est recommandé de subir des examens oculaires pendant plusieurs années, et ce même si l'arthrite est en rémission.
L'uvéite aigüe, qui peut survenir chez des patients souffrant d'arthrite et d'enthésite, est symptomatique (rougeurs et douleurs oculaires, gêne en cas d'exposition à la lumière ou photophobie). Si vous présentez ces symptômes, rendez-vous chez votre ophtalmologue dans les plus brefs délais. Contrairement à l'irido-cyclite, il n'est pas nécessaire de subir des biomicroscopies pour un diagnostic précoce.
3.9 Quel est le pronostic à long terme de l'arthrite ?
Le pronostic de l'arthrite s'est amélioré significativement au cours des années, mais il dépend toujours de la gravité et de la forme clinique de l'AJI ainsi que de la précocité et de l'adéquation du traitement. Actuellement, le développement de nouveaux médicaments et agents biologiques ainsi la mise à disposition de traitements pour tous les enfants sont toujours en cours. Le pronostic de l'arthrite s'est considérablement amélioré au cours des dix dernières années. Dans l'ensemble, environ 40 % des enfants ne prendront pas de médicaments et seront asymptomatiques (rémission) de 8 à 10 ans après l'apparition de la maladie ; les formes oligoarticulaire persistante et systémique obtiennent les taux de rémission les plus élevés.
L'AJI systémique a un pronostic variable. Environ la moitié de patients ne présente que peu de signes d'arthrite et la maladie est surtout caractérisée par des poussées périodiques ; le pronostic final est souvent favorable, étant donné que la maladie entre fréquemment en rémission spontanément. Chez l'autre moitié, la maladie est caractérisée par une arthrite persistante, alors que les symptômes systémiques ont tendance à disparaître au fil des ans ; cette sous-partie de patients peut être affectée par une destruction importante du cartilage. Enfin, une infime partie de ce second sous-groupe de patients présentera des symptômes systémiques accompagnés de lésions articulaires : ces patients, qui ont le pronostic le plus défavorable, peuvent développer une amylose, une grave complication nécessitant l'administration d'immunosuppresseurs. Les avancées dans les traitements biologiques ciblés à base d'anti-interleukine 6 (tocilizumab) et d'anti-interleukine 1 (anakinra et canakinumab) amélioreront probablement le pronostic à long terme de manière significative.
L'AJI polyarticulaire à RF positif est souvent liée à une atteinte progressive des articulations pouvant provoquer de graves lésions articulaires. Cette forme est l'équivalent chez l'enfant de l'arthrite rhumatoïde à RF positif chez l'adulte.
L'AJI polyarticulaire à RF négatif est complexe, et ce aussi bien du point de vue des signes cliniques que du pronostic. Toutefois, le pronostic est vraiment plus favorable dans l'ensemble que celui de l'AJI polyarticulaire à RF positif ; seulement un quart des patients environ développe des lésions articulaires.
Le pronostic de l'AJI oligoarticulaire est favorable sur le plan des articulations si la maladie reste limitée à quelques articulations seulement (forme appelée oligoarthrite persistante). Pour les patients chez lesquels plusieurs articulations sont atteintes (oligoarthrite étendue), le pronostic est similaire à celui des patients souffrant d'AJI polyarticulaire à RF négatif.
Beaucoup de patients souffrant d'AJI psoriasique présentent des signes similaires à ceux de l'AJI oligoarticulaire alors que pour les autres les signes correspondent à ceux de l'arthrite psoriasique chez l'adulte.
Le pronostic de l'AJI associée à une enthésopathie est variable. La maladie entre en rémission chez certains patients, alors qu'elle progresse et touche l'articulation sacro-iliaque chez d'autres.
Actuellement, on ne connaît pas de signes fiables sur le plan clinique ou biologique lorsque la maladie en est à un stade précoce et les médecins ne peuvent prévoir quel patient aura le pronostic le plus défavorable. Avoir de tels indicateurs serait d'une importance considérable sur le plan clinique, car ils permettraient d'identifier les patients à qui l'on doit prescrire le traitement le plus agressif, et ce dès le début de la maladie. D'autres marqueurs biologiques permettent de prévoir le moment auquel il faut interrompre un traitement à base de méthotrexate ou d'agents biologiques sont encore à l'étude.
3.10 Et qu'en est-il de l'irido-cyclite ?
L'irido-cyclite, si elle n'est pas traitée, peut avoir de très graves conséquences telles qu'une opacification du cristallin de l'œil (cataracte), voire une cécité. Cependant, si elle est traitée précocement, ces symptômes régressent généralement grâce à un traitement à base de collyre visant à contrôler l'inflammation et dilater les pupilles. Si les collyres ne suffisent pas pour maitriser la maladie, un traitement biologique peut être prescrit. Néanmoins, il n'existe pas de preuves probantes à ce jour suggérant qu'il s'agit de la meilleure option thérapeutique en cas d'irido-cyclite sévère, étant donné que la réponse au traitement est variable d'un enfant à l'autre. Un diagnostic précoce reste donc déterminant pour le diagnostic. Les cas de cataractes peuvent également être liés à l'administration de corticostéroïdes à long terme, particulièrement chez les patients souffrant d'AJI systémique.
4.1 Le régime alimentaire peut-il influencer l’évolution de la maladie ?
Rien ne prouve que le régime alimentaire ait un impact sur la maladie. Généralement, l'enfant doit suivre un régime alimentaire équilibré et normal pour son âge. Les patients sous corticostéroïdes doivent éviter de se suralimenter, étant donné que ces médicaments augmentent l'appétit et qu'il convient de ne pas ingérer d'aliments très caloriques ou contenant du sodium pendant un tel traitement, et ce même à faible dose.
4.2 Les conditions météorologiques peuvent-elles influencer l'évolution de la maladie ?
Rien ne prouve que les conditions météorologiques aient un impact sur la maladie. Cependant, les raideurs matinales peuvent persister plus longtemps lorsque les températures sont basses.
4.3 Quelle est la valeur ajoutée des exercices physiques et de la kinésithérapie ?
Le but des exercices physiques et de la kinésithérapie est de permettre à l'enfant de participer pleinement aux activités de la vie quotidienne et de mener une vie normale sur le plan social. De plus, les exercices physiques et la kinésithérapie peuvent être utilisés pour promouvoir une vie active et saine. Des articulations et des muscles en bonne santé sont une condition sine qua non pour atteindre ces objectifs. De plus, ils permettent d'améliorer la mobilité et la stabilité articulaires, la flexibilité et la force musculaires ainsi que la coordination et l'endurance. Un bon appareil locomoteur permet à l'enfant de participer pleinement et en toute sécurité aux activités scolaires et extrascolaires, telles que les loisirs et le sport. Un traitement ainsi que des programmes d'exercices à réaliser à la maison peuvent se révéler utiles pour atteindre la force et la condition physique requises.
4.4 La pratique du sport est-elle autorisée ?
Pratiquer un sport constitue un aspect essentiel de la vie quotidienne d'un enfant en pleine santé. Traiter l'AJI vise notamment à permettre aux enfants de mener une vie aussi normale que possible et de ne pas se sentir différents des autres enfants. Par conséquent, il est généralement recommandé d'autoriser les patients à participer à des activités sportives et de leur faire confiance lorsqu'il s'agit de s'arrêter en cas de douleurs articulaires, tout en conseillant les professeurs de sports afin de prévenir toute blessure, notamment dans le cas des adolescents. Bien que les efforts mécaniques ne soient pas bénéfiques aux articulations atteintes d'inflammations, on part du principe que le léger traumatisme encouru est moindre par rapport au traumatisme psychologique lié à l'interdiction de participer à des sports de groupes avec ses amis du fait de la maladie. Ce choix s'inscrit dans une attitude générale tendant à soutenir l'enfant pour qu'il soit autonome et capable de gérer lui-même les limites qui lui sont imposées par la maladie.
Au-delà de ces considérations, il convient d'accorder une préférence aux sports n'impliquant pas ou peu d'efforts mécaniques, tels que la natation ou le cyclisme.
4.5 Les enfants peuvent-ils se rendre à l'école normalement ?
Il est capital que l'enfant se rende à l'école régulièrement. L'assiduité peut être compliquée par les déficits de mobilité ; en effet, l'enfant peut souffrir de difficultés à la marche, d'une faible résistance à la fatigue, de douleurs et de raideurs. Il est donc important d'informer les professeurs et toute l'équipe pédagogique, dans certains cas, quant aux limites de l'enfant, de prévoir des aides à la mobilité, un mobilier ergonomique et des outils pour l'écriture ou un ordinateur. Il convient d'encourager les activités physiques en fonction des déficits de mobilité découlant de l'activité de la maladie. Le personnel éducatif doit comprendre ce qu'est l'AJI et être conscient de son évolution ainsi que de l'existence de potentielles rechutes imprévisibles. Des cours à domicile peuvent être nécessaires. Les besoins spécifiques de l'enfant doivent également être expliqués aux professeurs : bureaux adaptés, mouvements réguliers durant les heures de cours pour prévenir toute raideur articulaire, difficultés éventuelles à l'écriture. Les patients doivent participer autant que possible aux cours de gymnastique : dans ce cas, les considérations évoquées dans le cadre des sports doivent être prises en considération.
L'école représente la même chose pour un enfant que le travail pour un adulte, à savoir un endroit où il apprend à être autonome, productif et indépendant. Les parents et les professeurs doivent faire tout leur possible pour encourager les enfants malades à participer aux activités scolaires normalement pour garantir leur réussite sur le plan scolaire, mais aussi développer les capacités de communication avec les autres enfants ainsi qu’avec les adultes pour être acceptés et appréciés par leurs amis.
4.6 Les vaccins sont-ils autorisés ?
Lorsqu'un patient est traité par immunosuppresseurs (
corticostéroïdes,
méthotrexate,
agents biologiques), il convient de repousser voire d'éviter tout vaccin vivant atténué (tel que le vaccin contre la rubéole, la rougeole, la parotidite, le BCG et le vaccin Sabin contre la poliomyélite) compte tenu du risque potentiel de propagation d'infections suite à une diminution des défenses immunitaires ; dans l'idéal, ces vaccins doivent être réalisés avant de démarrer un traitement aux corticostéroïdes, au méthotrexate ou avec des agents biologiques. Les vaccins ne contenant pas de micro-organismes vivants mais seulement des protéines infectieuses (vaccins contre le tétanos, la diphtérie, l'hépatite B, la coqueluche, le pneumocoque, l'hémophilie, le méningocoque et le vaccin Salk contre la poliomyélite) peuvent être administrés ; le seul risque est un échec de la vaccination dû à l'état d'immunosuppression, faisant que le vaccin offre une protection moindre. Toutefois, il est recommandé de respecter le calendrier de vaccination des jeunes enfants, et ce même si la protection sera moins efficace.
4.7 L'enfant aura-t-il une vie normale à l'âge adulte ?
Il s'agit de l'un des objectifs principaux des traitements et il est atteint dans la majorité des cas. En effet, le traitement de l'AJI a connu des avancées extraordinaires grâce aux nouveaux médicaments et le futur promet d'être encore meilleur. De nos jours, l'association d'un traitement médicamenteux et de la kinésithérapie peut prévenir les atteintes articulaires chez la majorité des patients.
Il convient d'accorder une attention toute particulière à l'impact psychologique de la maladie sur l'enfant et sa famille. Une maladie chronique telle que l'AJI représente un défi difficile à relever pour toute la famille et plus la maladie est grave, plus elle est compliquée à gérer. L'enfant aura du mal à gérer sa propre maladie si ses propres parents ne le peuvent pas. Les parents sont très attachés à leur enfant et ils peuvent devenir surprotecteurs pour éviter tout problème que ce soit à leur enfant.
Des parents optimistes qui encouragent leur enfant à être aussi indépendant que possible malgré la maladie seront d'une grande aide pour l'enfant, qui surmontera les difficultés liées à la maladie, s'assumera vis-à-vis des autres enfants et sera équilibré.
Les spécialistes de la rhumatologie pédiatrique doivent proposer un soutien psychosocial si besoin est.
Les associations de familles ainsi que les œuvres de bienfaisance peuvent aider les familles à gérer la maladie.